Les centres d’appels, usines modernes ? Les rationalisations paradoxales de la relation téléphonique
Buscato M. (2002), « Les centres d’appels, usines modernes ? Les rationalisations paradoxales de la relation téléphonique« , Sociologie du travail, vol. 44, n°1, pp. 99-117.
« Contre les illusions des théoriciens de la domination et du conditionnement, mais aussi contre les fantasmes de toute-puissance et de simplification qui surgissent constamment chez les hommes d’action, il faut donc affirmer avec force que la conduite humaine ne saurait être assimilée en aucun cas au produit mécanique de l’obéissance ou de la pression des données structurelles. Elle est toujours l’expression et la mise en oeuvre d’une liberté, aussi minime soit-elle. »
Quel meilleur contexte qu’un centre d’appels pour mettre de nouveau à l’épreuve de la réalité cette proposition déclamée avec virulence par Michel Crozier et son élève Erhard Friedberg dans L’acteur et le système, best-seller de la sociologie des organisations de la fin des années 70 ? Là où il paraît que le téléopérateur va jusqu’à lire les propos qu’il nous sert sur son écran en se suivant le déroulé d’un script rédigé à l’avance, de quelle marge de manoeuvre est-il bien possible de bénéficier pour éviter d’être réduit à la posture d’un Charlie Chaplin des temps (pour le coup, post-)modernes ? Marie Buscatto est allée investiguer sur place…
Un crime sans déviance : le vol en interne comme activité routinière
Bonnet F. (2008), « Un crime sans déviance : le vol en interne comme activité routinière« , Revue française de sociologie, vol. 49, n° 2, pp. 331-350.
En février 2009, le journal Libération rapporte l’étrange mésaventure survenue en Allemagne à « une caissière virée pour un 1,30 euro« . Accusée d’avoir présenté deux bons de consigne oubliés par un client pour empocher l’argent, la caissière aurait donné un prétexte à la direction qui cherchait à s’en débarrasser depuis qu’elle avait pris la tête d’un mouvement de salariés dénonçant les conditions de travail. Rebelote en mars suivant, de l’autre côté du Rhin. Cette fois, c’est une caissière « mise à la porte pour un poil de cagnotte« , ou plus précisément pour être accusée d’avoir enregistré sur sa carte de fidélité les achats d’un client et bénéficier ainsi d’une réduction de 40 centimes d’euro. Moins de machiavélisme de la part de la direction ici, cette dernière semblant plutôt s’être enfermée dans une procédure.
C’est la disproportion entre le montant dérisoire des prétendus détournements et la sanction ainsi que le caractère mal avéré et donc potentiellement diffamatoire des accusations qui fait scandale. La condamnation morale du vol apparaît alors plus servir les intérêts de directions mal intentionnées que ceux de la société. Pour François Bonnet, il faut pousser les feux plus avant : l’hypothèse serait que la direction va jusqu’à organiser la possibilité d’être volée.
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